A l’heure du confinement, la France est à l’arrêt. Les procédures judiciaires le sont aussi.
Les tribunaux tournent au ralenti ne traitant que les urgences, principalement les comparutions immédiates.
Plusieurs ordonnances ont été prises suite à la loi d’état d’urgence sanitaire permettant d’adapter les procédures judiciaires au confinement national.
Le droit pénal est l’un des pans judiciaires qui a subi le plus de modifications.
Celles-ci sont détaillées dans l’ordonnance du 26 Mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire.
Concernant les gardes à vue : l’avocat était habituellement présent lors des entretiens et des auditions du gardés à vue. L’ordonnance du 26 mars 2020 prévoit que l’assistance de l’avocat peut se faire par l’intermédiaire d’un moyen de communication électronique, y compris le téléphone. Il est prévu, en tout état de cause, que lesdites conditions doivent garantir la confidentialité des échanges entre l’avocat et la personne qui se trouve en garde à vue.
Concernant, les détenus provisoires (ceux qui sont dans l’attente d’être jugés), l’ordonnance prévoit que cette détention provisoire est prorogée de six mois, de plein droit et sans débat entre l’avocat, la personne détenue, le procureur de la république, et le Juge des Libertés et de la Détention.
Nombreux avocats ont pu voir dans cette mesure une atteinte sans équivoque aux droits de la défense et plus particulièrement au principe du contradictoire permettant à chaque partie à la procédure pénale de porter à la connaissance de tous leurs arguments et prétentions.
Le Conseil d’Etat a néanmoins validé le 3 avril la prolongation de la détention provisoire sans juge, qui est une disposition exceptionnelle de l’état d’urgence sanitaire.
Les détenus non jugés, et donc présumés innocents, peuvent ainsi être maintenus en prison.
L’une des mesures les plus relayées par la presse concerne la libération anticipée des détenus en fin de peine.
La Garde des Sceaux ayant indiqué qu’environ 5.000 détenus seraient libérés durant la période de confinement.
En effet, le ministère de la justice a fait savoir vendredi 3 avril que le nombre de personnes détenues dans les prisons a baissé de 6 266 entre le 16 mars et le 1er avril.
Dans le texte, il est prévu que les détenus condamnés à une peine de cinq ans ou mois et à qui il reste deux mois d’emprisonnement ou moins sont libérés et assignés à résidence dans les conditions du confinement à l’exclusion des détenus condamnés pour terrorisme, crime, violences conjugales ou violences sur au moins de quinze ans.
Par ailleurs, pour les détenus ne se trouvant pas dans ce cas de figure, l’ordonnance prévoit que le juge d’application des peines peut ordonner la suspension de la peine sans débat contradictoire si la personne possède un hébergement et un reliquat de peine à exécuter d’un an ou moins ou quelle que soit la durée pour raison de santé sans expertise médicale après accord du Procureur de la République.
Mais ceux qui sont présumés innocents, parce qu’ils n’ont pas encore été jugés, ne sont pas près de sortir, ce qui est tout de même paradoxal, et attentatoire à la présomption d’innocence !
Anne RAYER est avocat au barreau de Dijon depuis 2013
Me Jean-Philippe MOREL est avocat au barreau de Dijon, officier dans l’Ordre des Palmes Académiques
Article Paru dans www.vudailleurs.com, le jeudi 2 avril 2020